Passengers


Passengers est avant tout un film d'amour qui revisite le thème éternel du conte de La Belle au bois dormant. Nos deux protagonistes sont endormis pour plus de cent ans. L'analogie saute au yeux. Non à cause d'un mauvais sort, mais bien de leur plein gré pour migrer vers une nouvelle planète ce qui nécessite plus d'un siècle d'hibernation pour parvenir à destination.

Pour l'instant rien de bien nouveau. A part qu'un bug dans le vaisseau provoque le réveil accidentel d'un des passagers, Jim, incarné par le séduisant Chris Pratt et cela au beau milieu du voyage. Le voilà seul dans un vaisseau pour des dizaines d'années avec 5000 personnes qui ne comptent vraiment pas être réveillés avant leur arrivée. Et pour cause puisque le vaisseau ne propose apparemment aucun moyen de se rendormir. Notre héros ne manque pas de tomber amoureux d'une des passagères elle aussi profondément endormie pour toute la durée du voyage. Cette histoire d'amour à sens unique est d'autant plus crédible qu'au delà des traits séduisants de son vissage que l'on peut voir à travers son sarcophage de verre, Aurora est écrivaine et Jim a plus que le temps de découvrir toute son œuvre et de s'attacher à son esprit autant qu'à son corps.



C'est en connaissance de cause que notre prince charmant finit au bout d'un an à faire griller le processeur qui permet un réveil sans retour de sa belle. Le conte prend ainsi une nouvelle valeur initiatique. A quoi bon attendre endormi l'arrivée d'un nouveau paradis si le secret du bonheur se trouve dans le voyage. On ne s'ennuie pas un seconde dans ce huis clos qui est magistralement articulé autour du mensonge de Jim qui ne peut avouer à Aurora que son réveil est le résultat de son sabotage et non d'un accident. Comment pourrait-il expliquer qu'il l'a choisi sans lui laisser aucun autre choix que de l'aimer. Tout cela se passe dans un décor futuriste bien léché que les images de synthèse nous livrent avec un réalisme confondant depuis quelques années.

Dans le conte le prince doit se battre contre le dragon. Le dragon c'est bien sûr le vaisseau contre lequel Jim va devoir se battre au péril de sa vie pour que le bug qu'il l'a réveillé ne finisse pas par faire exploser tout le vaisseau. L'histoire d'amour tragique de ce couple intersidéral se double comme dans le conte d'une histoire chevaleresque où Jim et Aurora vont devoir affronter l'absurdité aveugle du capitalisme qui leur propose de voyager dans un vaisseau automatisé réputé invulnérable. Il n'y donc pas dans ce film comme dans 2001, l'odyssée de l'espace un bras de fer entre l'homme faible et la machine parfaite, mais plutôt la nécessité de combattre à deux une machine aveugle qui bug et qui va tuer 5000 passagers sans qu'on y puisse quoi que soit.
L'intervention d'autres personnes est impossible au beau milieu de l'espace. Jim est un mécanicien qui veut partir de la terre parce qu'il aime réparer les choses, alors que la logique économique sur terre est de remplacer tout. Il y a une critique à la fois acerbe et résignée du monde capitaliste. Aurora elle aussi n'est pas dupe du monde d'où ils viennent. Mais son pessimisme va plus loin puisque qu'elle comprend que les colonies qu'on leur propose aux confins de l'univers pour retrouver l'esprit pionnier est déjà totalement controlé par la société qui les achemine. Les colonies sont finalement l'aboutissement du capitalisme qui se propage lui aussi avec nous dans l'espace, c'est à dire la privatisation totale d'une planète qui ne laisse aucune échappatoire aux futurs pionniers. La planète colonie est un produit total et les passagers des consommateurs aliénés. En réparant le vaisseau Jim va vaincre le dragon et Aurora en vivant son histoire à bord plutôt que de raconter celle des autres là-bas va vaincre elle aussi ses propres démons.
Un film à ne pas manquer.



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