Cold War



Pris au pied de la lettre Cold War peut effectivement se résumer à ce qu'en dit le synopsis Allo Ciné :
"Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible"

En fait, Il faut y voir, la mise en scène d’une relation beaucoup plus poétique.
Cold War est un film sur le Jazz. Il suffit de regarder la bande-annonce pour s'en convaincre. Et l'histoire d'amour qu'on va nous conter en second plan est précisément celle du jazz des années 50 qui tombe amoureux de la belle et grande musique

Wiktor incarne le jazz, cherchant ses racines dans les mélodies et les chansons du peuple, Zula est la musique. Elle sait tout faire elle aussi chante et danse sur les airs du peuple, elle aussi, mais de manière plus classique.

Les noir américains ont joué du jazz pour eux, pas pour devenir classique. Il n'en est plus de même à la sortie de la guerre où le jazz joué par les blancs et la musique sont comme deux blocs qui se regardent froidement et qui on envie de s'aimer. La Pologne symbolise parfaitement le rôle du classicisme (lui même dévoyé par les nécessités de la propagande de l’époque), de l’autre Paris symbolise la quête d’une reconnaissance universelle comme art musical. On sent bien Zula d’un coté enfermée par un classicisme étriqué que lui offre la Pologne et méprisante vis à vis de la vie intellectuelle parisienne qui elle aussi voudrait faire de la musique son objet à grand renfort de chansons à texte. Le face à face de Zula et de Juliette dans une soirée mondaine est un moment d’anthologie où la musique (Zula) dénigre l’idée même de métaphore à la poésie (Juliette) dont elle n’a pas besoin. « Métaphore ? » dit-elle en haussant des épaules qui raisonne comme un « Métaphore, métaphore, est-ce que j’ai une gueule de métaphore ?»

Maladroitement dès leur arrivée à Paris le jazz (Wiktor) aime la musique  (Zula) pour faire un disque. Or la musique ne veut pas aimer le jazz pour faire de l’argent. D’ailleurs si c’est pour faire des disques autant se jeter dans les bras des danseurs de rock. C’est bien sûr ce que Zula fait pour provoquer Wiktor. Le jazz des années 50, est un jazz aux arrangements sophistiqués. Il y a un parallèle intéressant entre la mise en scène épurée et très elliptique de ce film avec la construction des harmonies du jazz de cette époque.

Au final l’acceptation du jazz comme grande musique, pose une question centrale. Qu’est-ce qui est classique et qu’est-ce qui ne l’est pas ? La réponse est là sous la forme d’une belle image qui ouvre et qui ferme ce film impeccablement réalisé. Une église abandonnée à ciel ouvert dans laquelle on peut encore se dire oui.


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