Le grand bain



Ce film est une belle métaphore de notre société moderne. Le Grand Bain c’est le bassin profond, celui précisément où l’on n’a pas pied. Le scénario du film s’articule autour de personnages qui ont tous du mal à rester à flot. Chacun est prêt  à perdre pied en fonction  de circonstances différentes : dépression, désillusion, handicap, exclusion,  alcoolisme, faillite, … Grace à la caméra de Gilles Lellouche tous ces protagonistes esquintés par la vie vont se retrouver dans un bassin pour faire de la natation synchronisée. Ces hommes pris à contre emploi, dans un sport exclusivement féminin au niveau professionnel nous dévoilent une fois de plus la richesse de nos aspirations contrariées par les stéréotypes d’une société conservatrice par essence.
On se souvient de The Full Monty avec ces ouvriers anglais qui montent un spectacle de striptease pour s’en sortir et cela  par delà les conventions. Le film Le Grand Bain s’en rapproche mais modernise les enjeux. Le monde d’aujourd’hui n’est plus un groupe d’ouvriers qui font corps, mais une bande d’individus brisés par l’absence de sens dans leur vie. L’enjeu n’est plus de franchir la barrière du ridicule qui consistait à se mettre à nu dans le film anglais, puisque dans Le Grand Bain tout le monde est déjà en slip et ridicule depuis le départ. L’enjeu porté par ce film est donc purement et simplement d’arriver à surnager et si possible en beauté.

Si l’on pousse plus loin la métaphore on peut imaginer la piscine comme le bain numérique dans le quel nous baignons. Ainsi les plans de caméra sous-marins nous révèlent notre partie immergée. Dans la société numérique, nous sommes vus autant par dessus (notre profil) que par dessous (tous ces clics qui nous trahissent et nourrissent le Big Data). Le pédalage qui nous maintient hors de l’eau est à l’image de nos vies.

Une trouvaille du film, consciente ou non, se trouve dans le fait que le seul « jeune » du film, Félix Moati est le pilier sous-marin de cet aéropage de quadra/quinquas sans avenir. En nous dévoilant les efforts de Félix pédalant sous l’eau en apnée pour soutenir le reste de la troupe, on ne peut pas s’empêcher de voir une caricature d’une jeune génération à bout de souffle qui s‘évertue à maintenir notre système actuel de solidarité à flot.

(Attention spoiler)
Le film est un feel good movie, ce qui oblige le scénariste à pousser ses nageurs à la conquête de l’or, quête d’un perfectionnisme qui colle assez mal avec le casting des acteurs et qui a tendance à prendre le pas sur le vrai message du film « le nager ensemble » plutôt que la simple « gagne ». Les dernières images sont trop caricaturales et laissent entrevoir que sans médaille d’or cette fine équipe n’aurait rien retirer de cette expérience. Une note finale un peu simpliste pour un film par ailleurs tout en nuance.
A voir sans attendre

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