One woman show

Avec the Artist on ramène la coupe du monde du cinéma à Paris. Mais si on y regarde de
plus près, le cinéma n’a pas grand chose à voir avec notre monde. Je veux parler de ce
monde réel ou du moins tangible que les rugbymen ou les footballeurs foulent de leurs
crampons. Le cinéma c’est autre chose. Un monde intangible et pourtant bien réel lui
aussi. Celui-ci semble bel et bien appartenir à l’Amérique. Si l’Amérique aime tant son
cinéma c’est qu’il représente aujourd‘hui toujours et encore le rêve américain. Les
américains ont encore une petite part d’eux-mêmes qui résiste au cynisme du
capitalisme, car ils croient encore en leur rêve. Une naïveté qui les honore et qui menace
les temples du cynisme où l’on se prosterne avec la même incantation en boucle « stop
dreaming ». Le cinéma est un monde sans frontières, un monde utopique et romanesque
qui nous envahit chaque jour un peu plus. Ce dimanche, le cinéma français vient de se
réconcilier avec son grand frère d’Hollywood. Et comme toute réconciliation durable
elle demande des efforts des deux bords. Du coté français il est clair que le film The artist
caresse Hollywood dans le sens du poil en retraçant l’épopée des débuts glorieux du
cinéma à Los Angeles. D’un autre coté Hollywood est prêt à saluer un courage que les
producteurs américains n’ont plus en produisant un film muet en noir et blanc à l’âge de
la 3D et du son THX. « Cinémas de tous les pays unissez-vous » pourrait être le mot
d’ordre après ce bel exemple d’humilité de l’industrie cinématographique américaine
qui consacre pour la première fois un film étranger meilleur film national. Le cinéma
non américain sort de son ghetto. C’est tout à l’honneur de l’Amérique qui nous montre
une fois de plus que la fusion des cultures plutôt que l’enfermement identitaire est la
voie la plus belle pour l’humanité. Pas la peine de se gargariser de cocorico cette
semaine car cet Oscar (du meilleur film) n’appartient pas plus à la France qu’aux Etats
Unis , il est d’un autre monde celui du cinéma. Mais parlons un peu du film. Au-delà de sa
forme inattendue (muet et noir et blanc) qui a malheureusement tendance à éluder le
fond de The Artist, ce film reste avant tout une oeuvre à la gloire de la femme. C’est
l’histoire d’une femme gaie, belle et courageuse. Une « self made woman avant l’heure »
qui aime Georges Valentin sans condition au-delà de sa ringardise indécrottable. The
Artist nous montre qu’on peut réussir sans piétiner les autres, c’est à dire qu’on peut
aimer sans être aimé, sans vanité et sans contre parti. Un tel homme ne pouvait être
qu’une femme. L’homme est muet, incapable d’exprimer autre chose que la fierté d’en
être un, la femme s’exprime incapable de se faire entendre par des hommes dont
l’autorité n’impressionne que les chiens. Le film se noue comme un nœud coulant autour
du coup de Valentin. On assiste impuissant au combat stérile entre la thèse et l’antithèse,
le noir et le blanc. La femme qui parle est l’anti homme et l’homme qui gesticule est l’anti
femme. Et puis voilà ce coup de génie du réalisateur dans les cinq dernières minutes du
film. La danse ! La danse qui libère les deux sexes de l’antinomie des genres en les
mélangeant allégrement sur un rythme de charleston. L’homme et la femme se fondent
dans l’harmonie de la musique, transcendant à coup de claquettes l’hermétisme de notre
triste condition sexuelle. A voir absolument.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ca va décoiffer !

La Roquette en blanc

Soirée Uniformes