Toute première fois


Si vous avez envie de bien rigoler en ce début d'année, Toute première fois est un film très réussi et très drôle qui nous fait rire de nos préjugés en abordant la question gay d'une manière beaucoup moins politisée et formatée que d'habitude. Jérémie est en couple avec un homme depuis des années, il est sur le point de se marier, mais voilà qu'il tombe raide dingue amoureux d'une belle suédoise.
Ce film est déjà un acte que nous vivons bel et bien dans l'ère "post mariage gay" et ça fait du bien de voir les choses actées par le cinéma français. Le film aurait pu s'appeler "Coming in" en référence à une tirade du film où la trajectoire de Jérémie est perçue comme un coming out à l'envers. C'est vrai que l'un des grands ressorts comique du film est de voir avec quelle difficulté notre Jérémie parfaitement intégré va devoir affronter son entourage gay friendly pour leur avouer qu'il aime une femme .

Mais le vrai renversement que propose ce film à la drôlerie subversive n'est pas tant de faire machine arrière en aimant à nouveau les femmes alors qu'on était gay que se demander si l'amour ne serait un pas jour plus fort que le sexe. Rien de tout cela n'est discuté dans le film, pourtant il faut bien s'en remettre à l'évidence, Jérémie ne s'est pas mis soudainement à coucher avec des femmes, mais avec une. Celle qu'il aime. Dans ce film notre boussole c'est le pénis de Jérémie. Depuis qu'il a rencontré Adna, sa vie avec Antoine part en déconfiture. Pourtant bien que son associé l'emmène dans un bar a pute il n'est pas excité. Cela parait finalement bien normal qu'un homme soit plus excité par la femme qu'il aime que par une autre. Mais à cette normalité on pourrait en surajouter une autre. Pourquoi n'a t-on pas simplement envie de faire l'amour à la personne que l'on a choisi d'aimer ? Pourquoi l'amour est-il subordonné à notre orientation sexuelle et non l'inverse ? Pourquoi ne pourrait on pas aimer passionnément une personne quelque soit son sexe pour son âme et adopter sa sexualité en fonction de l'élu ?
C'est bien là que Jérémie nous emmène en aimant une femme malgré son passé gay. Alors Jérémie est il un hétéro refoulé qui serait gay par raison plus que par conviction ? Rien dans le film ne le laisse croire, au contraire on voit bien lors de la confession de son père à table que ce dernier a eu du mal à accepter que son fils soit gay. Il semble bien que notre héros soit gay sans refoulement et qu'une femme la fait changer de sexualité. On en vient donc la la question à 1000 euros, "Choisit-on sa sexualité ?". Peut-on comme Jérémie pour des raisons impérieuses, dictées par un coup de foudre, orienter sa sexualité en fonction de nos besoins sentimentaux. Rien n'est moins sûr et c'est en ça que le film sous des faux airs réactionnaires ( les gays rentrent dans le rang) est avant tout une douce utopie.

Moi par exemple, est-ce que je me suis réveillé un matin en me demandant si j'allais dans ma vie préférer les filles ou les garçons ? Et ben non ça a toujours été les hommes. Je n'ai pas eu le choix je le sais parce que je l'ai vécu. Si il y avait eu la moindre possibilité de choix je l'aurais saisie, au moins pour essayer avec les filles. Mais non rien, rien pendant toutes ses années qui ont suivi ma puberté pour me sortir de mon déterminisme sexuel. J'ai subi mon orientation sexuelle et je le répète à tous ceux qui veulent faire croire que j'aurais pu choisir.

J'aime donc Nicolas aussi parce qu'il est un homme, alors que j'aurai pu aimer coucher avec un homme parce que j'aime Nicolas.
Mais alors si je n'ai pas choisi d'être gay ou encore mieux d'avoir l'orientation sexuelle compatible avec l'amour de ma vie (comme Jérémie), qui l'a fait pour moi ?

Et c'est là que tout se complique. Ma vérité n'arrange personne, hors pourtant pour moi il n'en existe pas d'autre.
Commençons par ceux qui voit dans l'homosexualité une déviance, un pécher, un vice. Pour eux le déterminisme que j'expérimente sur mon attirance pour les hommes sonne le glas de la honte et de la repentance. Puisque que je n'ai pas le choix, comment voulez-vous que je porte la responsabilité de quelque chose que je n'ai pas choisi ? On ne peut pas en vouloir aux oiseaux de voler, ils sont nés ainsi.

Si on ne peut pas me rendre coupable de mon attirance sexuelle, on va quand même essayer de trouver des responsables. Et là il n'y a qu'à demander à Freud et grâce à son complexe d'Œdipe véritable couteau suisse de la psychanalyse freudienne trouver si la faute ne pourrait pas être rejetée sur les autres. Du genre si vous l'aviez mieux élevé, il ne serait pas là où il en est. Si les pseudo explications freudiennes de l'origine de l'homosexualité ont été balayées depuis, il n'en reste pas moins que la théorie du genre s'est engouffrée dans le vide pour à son tour nous expliquer en quoi la société peut conditionner votre sexualité. On évite ainsi de faire jouer les garçons à la poupée pour leur éviter qu'ils ne finissent en dragqueen. Là encore si tout le monde semble avoir un avis sur ce qui est bon ou mauvais pour nous les homos, notre expérience intérieure est bien différente. La société française de la fin des années 70 est une France assez machiste qui fait la part belle à l'homme et à son hétérosexualité. Rien dans mon entourage, dans mon expérience, dans ma culture, ne me poussait, me conditionnait à être gay; se serait plutôt l'inverse.
Pourquoi donc suis-je gay dans une société faite pour les hétéro et dans laquelle avec mon petit diplôme d'école de commerce en poche je ne m'envisageais ni comme un rebelle, ni comme un marginal. C'est bien ma sexualité qui a fait de moi un gay et non l'envie de devenir gay qui m'a fait aimer les garçons. Si la société n'est pas responsable de mon homophilie,  c'est du moins ce que je ressens. Alors à qui la faute ?

Et si ce n'était la faute à personne ? Et si l'on naissait gay comme on nait hétéro, c'est comme ça, si c'était simplement naturel. Et si finalement la société qui travaille bien sûr la sexualité à son avantage, par toute sorte de convention pour lui assurer une certaine stabilité, n'avait aucune emprise sur la matière brute qui forme notre sexualité. C'est à dire une attirance biologiquement programmée avant la puberté pour un être ou non attiré par le sexe opposé.

Cette piste logique vers une recherche génétique de l'attirance homo ou hétérosexuelle dans les gènes, semble gêner bien du monde .
Car si l'homosexualité n'est pas admise comme un bien pour l'humanité, toute forme de recherche biologique pourrait nous faire glisser vers un eugénisme qui a hanté la première moitié du 20 siècle dans sa quête de l'être biologiquement parfait. On retrouve donc toutes les associations gay plutôt effrayées à l'idée que l'on puisse découvrir un chromosome gay; sachant que tout ce qui peut être vu comme un mal trouvera un jour son remède. A ce titre je vous recommande de voir aussi  le film Imitation game , beaucoup moins drôle, qui pose de manière assez crue la réalité de l"homosexualité au début des années 50 en Angleterre.

Du coté des croyants, la génétique étant l'œuvre de Dieu si il existe un chromosome gay alors l'homosexualité n'est plus une déviance mais une tendance naturelle. C'est la porte ouverte au laxisme, ennemi héréditaire des hommes d'église et de bonne morale. Certains d'entre eux n'hésiteront pas à forcer le trait en arguant que si on accepte la théorie d'un chromosome gay, demain on nous expliquera qu'il existe un chromosome pour la pédophilie aussi. Le corps prendrait ainsi le pas sur l'esprit, évacuant progressivement toute responsabilité morale. La théorie du chromosome gay fait donc peur à tout le monde aussi bien aux pro gay qu'aux antigays.

On comprend que dans un contexte aussi défavorable la science progresse péniblement sur ce sujet. Tout le monde préfère donc se batailler sur le champs stérile de la théorie du genre plutôt que de progresser vers une autre explication.

Pour l'instant on ne trouve aucune trace d'un quelconque chromosome ou trace génétique de l'orientation sexuelle d'une personne. Pourtant ce que l'on ne trouve pas au microscope le macroscopique semble le crier haut et fort. On a quand même aujourd'hui 7 milliards d'individus pour étudier le phénomène de l'homosexualité sur notre planète.
On remarque d'abord que la proportion de gay est la même dans tous les pays. On a fait nous aussi notre propre test. Une soirée Halloween attire autant de gay à Paris qu'à Bangalore. Bien sûr dans certains pays on a le droit d'être homo, alors que dans d'autres on peut être condamné à en mourir et que selon le contexte votre propension à déclarer lors d'un sondage votre homosexualité peut en être altérée. Mais si on corrige ce facteur la proportion dans le monde est toujours plus ou moins la même entre 1 à 3% de la population. Le taux de 10% clamé par les associations gay me semble relever plus de la propagande que de l'étude statistique. Si les gens sont plus ouvertement gay dans les sociétés tolérantes, une société progay ne fait pas naître plus d'enfants gays qu'une société qui ne l'est pas. Non seulement cela se vérifie géographique mais on a aussi acquis la conviction que ce pourcentage a toujours été plus ou moins le même à travers le temps. Bien sûr l'homosexualité dans la Grèce antique mériterait une analyse à elle seule, car la perception de ses pratiques ont été largement caricaturées par le monde moderne. Ainsi ni les époques, ni la culture ne semblent avoir d'emprise sur la production d'une minorité constante de gays dans toutes les civilisations.

10% des gays on un frère gay. 50% des jumeaux sont tous les 2 gays. Ces chiffres nous narguent puisqu'ils montrent une corrélation que l'on ne sait pas expliquer. La preuve scientifique ayant toujours le dernier mot sur l'intuition psychologique dans un monde voué à l'utilitarisme, on nie ce que l'on ne sait pas prouver, alors que l'on sent bien qu'il y a quelque chose à chercher de ce coté là.
Oui mais si il y avait un chromosome gay, 100% des jumeaux seraient gays, puisqu'ils partagent le même patrimoine génétique et non pas 50 %.

Et puis le pompon pour la science actuelle c'est de voir la belle théorie du darwinisme voler en éclat avec une nature sensée être impitoyable, par sa sélection naturelle et qui donnerait une seconde chance permanente à un facteur génétique qui devrait s'éliminer de lui même puisque la reproduction n'est pas le point fort de l'homosexualité. Les gays chouchoutés par la nature, il ne manquait plus que ça !

Bref les gays et la science actuelle ne font donc pas très bon ménage. Et les explications sociologiques semblent arranger tout le monde tant qu'on a rien trouvé d'autre. Pourtant il faut s'en remettre aux évidences à part Jérémie il n'y a pas grand monde sur cette planète qui arrive à sublimer l'amour au point d'oublier avec qui il aimait le faire. Voilà sans doute pourquoi Adna qui incarne ce nouvel amour sublime, se méfie bien plus des prétendants hommes qui tournent autour de son amoureux plutôt que de la compagnie des femmes. Le naturel a encore de beau jour devant lui avant que le sublime ne le surpasse définitivement.

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