Invisible Man


Invisible Man n'est pas un remake de L'homme invisible. Même si l'on retrouve quelques clins d'œil à l'œuvre précédente. Mannequin avec un feutre noir dans la chambre, malade bandé de la tête au pied sortant d'une chambre d'hôpital, Invisible Man reste une œuvre tout à fait singulière. Au lieu de verser dans le fantastique, le film développe un scénario digne des meilleurs thrillers. On pense immédiatement au film Sleeping with the Enemy où Julia Roberts tente d'échapper aux griffes de son mari psychopathe en simulant sa mort. Les choses sont cette fois-ci encore plus compliquées puisque c'est le prédateur qui va dans le film simuler sa mort et devenir invisible. Suspense, sursaut et frisson garantis.

Au delà de son efficacité et de la réussite de sa mise en scène le film soulève plusieurs thèmes qui raisonnent avec notre temps.

D'abord l'agresseur invisible est une allégorie des violences faites aux femmes. Il incarne l'idée qu'il faudra vivre en imaginant un agresseur à chaque coin de rue à chaque coin de chambre. En ce sens la peur que l'on ressent dans le film est une infime parcelle de l'angoisse dans laquelle les femmes violentées sont plongées.

Par ailleurs le film nous plonge dans dans le thème de l'invisibilité. Invisible juridiquement par la mort, invisible visuellement grâce à l'aide de la technologie optique combinant mini caméras et mini projections pour nous leurrer. 
Les liens que l'on présente entre invisibilité et impunité se tissent devant nous. L'entourage de Cecilia, comme paradoxalement Saint Thomas, ne croit que ce qu'il voit. Ses proches, aveuglés par des images qui ne montrent rien, sont dans le déni face aux accusations de Cecilia qui sent plus qu'elle ne voit la présence de son prédateur.

La beauté du film réside dans la mise en scène du regard toujours intense d'Elisabeth Moss qui incarne son personnage de femme persécutée à la perfection et qui sent ce que personne ne voit. Le film fustige le monde moderne des caméras qui ne restitue que ce qu'elles enregistrent sans jamais rien ressentir. Qu'est ce que voir ? Un ordinateur qui vous filme vous voit-il ? A quel moment passera  t-on de la forme à l'être dans un disque dur ?

A la fin du film les caméras se retournent contre elles-mêmes en projetant le vide à une autre caméra qui de fait ne voit rien et vous disculpe. Mais le plus intéressant dans le film est cette obstination de mettre en scène cette faculté humaine que nous avons tous de sentir un regard qui pèse sur nous. Comment se fait-il que nous sommes capable de nous sentir observé ? Y a t'il dans un regard qui nous observe, qui nous dévisage quelque chose que l'on capte en échange des images que nous donnons de nous mêmes ? Même si le film nous explique par le truchement d'une combinaison ultra sophistiquée comment l'homme pourrait devenir invisible (à l'instar de l'Aston Martin de James Bond) elle laisse le mystère entier sur cette étonnante sensation que nous avons de se sentir observé.

D'un point de vue cinématographique, Invisible Man est le monde à l'envers de ce que produit Hollywood ces derniers temps. Les producteurs nous ont habitué à faire jouer des acteurs bien visibles devant des fonds bleus puis verts pour facilité l'incrustation à posteriori de décors imaginaires. Invisible Man nous propose le décor concret et totalement anodin de la cuisine ou d'un couloir pour nous faire jouer un acteur invisible. Dans le studio, c'est sans doute le comédien qui est vêtu d'une combinaison intégrale vert pomme pour disparaître à la post production. L'homme à la combinaison invisible existe donc bien et c'est Hollywood qui l'a inventé. Si le cinéma est capable de nous berner aussi facilement grâce à quelques moulinets de calculateur en post production qu'en sera t-il demain des caméras qui nous observent et qui à force de faire foi feront loi ?
Ce film est un plaidoyer contre la réalité hégémonique de l'image. L'intime conviction de Cecilia, le flaire de son chien Zeus, la tangibilité, ne sont-ils pas demain nos meilleurs alliés pour nous prémunir de l'insolente et dangereuse versatilité des images.

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