Tycooconing




L'Amérique n'a pas connu de Moyen Age avec ses ducs et ses barons. Pas étonnement qu'au lendemain des fortunes vite et mal faites, de la ruée vers l'or,  les ambitions de reconnaissance et de pouvoir se développent une fois bien assis sur son tas d'or, toisant la misère humaine. D'une famille de mineur William Randolph Hearst devint un magnat de presse, un tycoon, à l'image du fameux Citizen Kane d'Orson Wells.
Le problème avec ces richesses éclairs, c'est qu'elles ne peuvent en aucun cas prétendre à être le fruit d'un dur labeur tant la disproportion entre l'argent et le travail d'un seul homme est exagéré. La seule manière de devenir riche très vite c'est de voler les autres. Et pour cela rien de mieux que le vol légalisé.
On peut penser ce qu'on veut des bienfaits du capitalisme pour stimuler la richesse de notre monde, admettre comme premier titre de propriété la règle "du premier qui y est" un peu comme on dit "preums cabinet" pour s'arroger le droit de passer devant les autres pour faire pipi est un peu cavalier. Bien après que Proudhon nous ait pourtant averti que la propriété c'est du vol, nos américains sont quand même partis se ruer vers l'or avec la ferme intention de passer devant les autres pour la bonne et simple raison qu'ils devaient avoir encore plus envie d'être riches que leurs récents compatriotes. Devenir riche c'est donc se désolidariser, l'or de l'Amérique est devenu mon or à moi. Ajouter à cela cet archaïsme que l'on appelle l'héritage et l'on permet ainsi aux riches de spolier les autres de père en fils.
Hearst castle est donc un symbole des extravagances auxquelles conduisent une richesse bâtie en toute légalité, pendant que la prohibition bat son plein. L'argent sans culture peut donner d'étranges choses. Ainsi ce château a l'allure d'une hacienda de l'extérieur et d'un château d'un petit duc de Bourgogne à l'intérieur. En quelque sorte une pétrification de l'esprit écartelé de son propriétaire coincé entre ses racines de  chercheur d'or et son amour de la culture européenne. William voulait faire de sa demeure un musée, il n'en est rien. Cet amât de veilleries multicentenaires achetées à bas prix et à la sauvette à la fin de la première guerre mondiale tient plus du phantasme que de la collection.
Si ce château que son propriétaire aux envies contradictoires dénommait ranch doit témoigner de quelque chose c'est bien du malaise culturel dans lequel une certaine bourgeoisie se trouvait pendant les années folles. Heureusement ce qui sauve ce machin dont personne ne voulait se porter acquéreur après la mort de notre tartuffe de tycoon ce sont les piscines. Eh oui, car là il ne s'agit plus d'imiter, L'Amérique s'invente. Large espace à ciel ouvert, vue imprenable sur le Pacifique, la piscine de Hearst castle est un vrai bonheur parce qu'elle représente une Californie décomplexée qui profitera dorénavant de sa richesse non plus dans un dédale de pièce de réception plus pompeuses les unes que les autres mais au grand air au bord de luxueux bassins un verre de cocktail à la main. Hearst castle n'est donc pas un château dont la Californie n'a que faire, mais sans doute sa plus jolie piscine. Même si Proudhon n'a pas été beaucoup écouté surtout pas les riches qui nous gouvernent.

L'ironie du sort veut quand même que ce soit la petite fille du tycoon qui fut l' exemple le plus parfait de syndrome de Stockholm. Kidnappée par un mouvement révolutionnaire, Patty devait être remise en liberté par un groupe révolutionnaire (SLA) en échange de donner de la nourriture aux pauvres de Californie. Cette opération de grande ampleur devait couter aux héritiers 400 millions de dollars. Au lieu d 'un simple non, la famille se délesta d'un petit 4 millions de dollars pour faire bonne figure. Le plus inattendu est sans doute que Patty, pourtant bien née, se lia à la cause de ses ravisseurs et continua ensuite à braquer des banques avec ses anciens kidnappeurs. Voilà au moins un rebondissement qui ferait sourire notre ami Proudhon.
Mais qu'on se rassure Patty va mieux, "voler les riches pour donner l'argent aux pauvres" c'est quand même une maladie et épouser la cause de ses ravisseurs c'est suffisamment étrange pour avoir le droit de faire appeler syndrome. Jimmy Carter a donc fait commuer sa peine et finalement Bill Clinton le jour de son départ lui a demandé pardon. Car voler quand on est riche, n'est pas un crime, au pire un vice, un truc pas normal. Enfin quoi on peut pas aller en prison pour ça. Heureusement que le président des Etats Unis lui a pardonné en la présentant comme victime du fameux syndrome, parce si même les riches maintenant n'ont plus le droit de voler, comment va t-on faire pour le rester ?

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